Le Franc, les essais, les archives – Napoléon Ier (1803-1815)

De prime abord, la participation (certes anecdotique) de l’un des auteurs du Gadoury Vert nous a valu quelques sueurs froides… Mais que tout le monde se rassure. Ici, pas d’identifications hasardeuses, d’interprétation fantaisiste ni de faux ou de perruques car c’est Philippe Théret qui mène la danse et apporte son sérieux et sa rigueur à cet ouvrage.

Ouf !

Après une introduction relatant la genèse du projet, l’auteur aborde les différentes méthodes de fabrication des monnaies aux XIXe et XXe siècle dans le chapitre « Le périmètre des essais ». 40 pages expliquant les raisons d’être des essais artistiques ou techniques. Les procédés de frappe sont accompagnés de nombreux schémas permettant une compréhension aisée et rapide. Le type Napoléon Ier est utilisé par convention, même si la technique utilisée n’existait pas encore sous le Premier Empire.

Le sous-chapitre concernant les frappes apocryphes (page 65) est essentiel, car il permet de remettre dans le contexte un grand nombre de monnaies vendues ces dernières années. Après la publication de cet ouvrage, il ne sera plus possible aujourd’hui à certains vendeurs peu scrupuleux de faire passer des refrappes pour des « monnaies de prestige ». Lire notre article sur le thème : Numismatique Coiffure.

La bonne nouvelle, c’est que ce chapitre apparaitra également dans les tomes suivants consacrés à Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe, et Charles X…

Comme il est de coutume dans les livres de Philippe Theret, les deux parties suivantes sont consacrées aux archives et aux monnaies (Catalogue).

Ici sont décortiqués de manière simple et précise l’ensemble des documents administratifs, techniques et artistiques conservés aux archives de la Monnaie de Paris. Celles-ci permettent de valider l’existence de certains essais, mais aussi de les replacer dans le temps. Elles donnent aussi une idée du fonctionnement de l’atelier monétaire au temps de Napoléon Ier. Vous pourrez y lire en détail la création du Franc Germinal, mais aussi tous les avis du jury concernant le concours de l’an X.

Ces archives sont agrémentées de nombreuses photos d’outillages émanant des collections de la Monnaie de Paris et du Musée Carnavalet.

Dans le chapitre « Catalogue », les essais sont séparés en plusieurs sections, parmi elles « Essais avec faciale » et « Essai sans faciale ». Par « faciale », il faut entendre « valeur faciale ». Il peut sembler étrange de faire une séparation pour seulement 15 exemplaires sur 53 non frappés au module d’une monnaie courante. Mais vous verrez que cette manière de procéder se révèlera très importante dans les tomes à venir.

Pour la numérotation des monnaies, Philippe Theret a choisi d’utiliser une base 1000 pour chaque tome, 1000 pour Napoléon Ier, 2000 pour Louis XVIII…

Autre nouveauté intéressante : la création d’un code couleur et de suffixes pour la classification des exemplaires très faciles à retenir. Si la couleur est autre que Vert, Argent ou Doré, l’authenticité est douteuse. (Page 233)

Les cotations sont disponibles pour les états TTB45, SUP58, SPL63, et FDC65.

Outre les photos d’avers, de revers et des informations habituelles telles que le poids, le diamètre, le graveur, le métal, chaque exemplaire présenté est – quand c’est possible – relié aux archives. Les spécificités sont détaillées et les provenances indiquées. De plus, certaines fiches vous alertent si des contrefaçons ont été signalées.

Certains exemplaires n’ayant pas été retrouvés à ce jour, aucune photo d’illustration couleur n’est disponible. Nous faisons donc UN APPEL AUX COLLECTIONNEURS, et encourageons ceux qui ont accès à ces essais de se manifester auprès de Philippe Thèret à cette adresse email : essais@amisdufranc.org

La section des « monnaies circulantes en flan bruni » ne concerne pas vraiment les essais monétaires, d’autant plus que ces monnaies peuvent avoir des origines très diverses qui ne sont pas toutes expliquées en préambule de la section. Les flans brunis feront d’ailleurs l’objet d’un futur article dans notre magazine.

La section des « monnaies de visites » a plus de sens, car ces monnaies forment un thème de collection à part dans l’univers des essais monétaires. Beaucoup de variantes jusqu’alors méconnues sont présentées en détail.

Vous trouverez ensuite une section dédiée aux faux essais qui polluent trop souvent les annonces de vendeurs à la recherche d’un collectionneur à « pigeonner ». C’est une excellente idée de Philippe Thèret, d'autant plus que ces faux sont souvent de bonne facture et n’étaient guère connus jusqu’ici que des numismates professionnels.

À la fin du livre, vous trouverez une table de correspondance des plus utiles entre les références de cet ouvrage et celles des Gadoury, du Mazard et du Victor Guilloteau. On peut cependant regretter que ces correspondances ne figurent pas directement dans les fiches de chaque exemplaire.

Il est aussi regrettable que l’ensemble des photos soient un peu trop sombres pour que l’on puisse apprécier tous les détails de certains exemplaires. La méthode de prise de vue est bonne, mais mal appliquée. À des fins pédagogiques, il aurait été intéressant de les éclaircir, quitte à ne pas respecter tout à fait la couleur d’origine.

Pour le plaisir des yeux, cependant, nous vous invitons à vous rendre à la fin du livre, section « Galerie. Vous pourrez y admirer des agrandissements des plus beaux essais et les outillages consacrés à Napoléon Ier.

Pour conclure, je dirais que ce livre ne se contente pas d’être un simple catalogue de cotations, mais qu’il aborde les essais monétaires d’un point de vue historique et permettant d’apprécier autrement ces rares témoignages de notre histoire monétaire.

Si l’on retire les flans brunis et les faux, ce ne sont pas moins de 275 essais de Napoléon Ier qui sont présentés dans cet ouvrage, une différence notable par rapport au Gadoury 1989, qui n’en contenait que 116, et du Gadoury 2019, qui dans sa partie spéciale n'en recensait que 159.

Le Franc, les essais, les archives Napoléon Ier (1803-1815) mérite sans conteste de rejoindre la petite famille des « indispensables » dans toute bibliothèque numismatique.

À noter que ce livre existe en deux versions : l’édition classique et l’édition de prestige imprimée à 170 exemplaires : 160 exemplaires numérotés de 1 à 160, deux exemplaires en numération « 00 » et 8 exemplaires en « hors commerce » pour remercier les auteurs des préfaces, l’éditeur et le directeur de la Monnaie de Paris. Cette version de prestige est encore disponible (il en reste moins de 10) au prix de 150 euros. Pour vous la procurer il vous faut contacter le trésorier de l'ADAN à cette adresse email : tresorier_adan@amisdufranc.org.

L’édition classique est disponible au prix de 59€ sur le site internet de CGB en cliquant ici.